TRIBUNE. Osez la France pour une défense nationale
Les députés LR Julien Aubert, Thibault Bazin et Patrice Verchère s’alarment des menaces sur l’indépendance de notre industrie de l’armement.
Néanmoins, derrière la communication présidentielle, les chiffres sont têtus. Cette augmentation est à nuancer par la « clause de revoyure » prévue en 2021 qui déterminera les annuités 2024 et 2025. La loi de programmation militaire est en réalité une loi d’intention politique dont la trajectoire devra être confirmée par chaque loi de finances. Des doutes sérieux existent concernant la soutenabilité des hausses annuelles de 3 milliards chaque année à compter de 2023.
Elle n’est ainsi certainement pas à la hauteur des défis en matière de recrutement, en particulier dans le domaine de la cyberdéfense : l’essentiel des 6 000 postes supplémentaires que la LPM prévoit sont reportés en seconde partie de la programmation soit 1 500 en 2023, 1 500 en 2024 et 1 500 en 2025. Ces reports ne permettront pas à la France de rivaliser avec la Bundeswehr allemande qui s’est dotée d’une « cyberarmée » de 14 000 experts…
Surtout, derrière la LPM se trouve l’enjeu industriel. La programmation repose en effet sur l’hypothèse de coopérations capacitaires dans le cadre de l’Otan ou de l’Union européenne. Or, notre intérêt vital réside dans la préservation au niveau national d’une base industrielle et technologique de défense forte, apte à répondre aux exigences technologiques et opérationnelles des futurs systèmes d’armes et équipements de défense. Nous appelons de ce point de vue ci à revisiter la stratégie industrielle de la Défense nationale. La question du partage des technologies doit être examinée avec une grande attention tout comme la garantie de la préservation de notre autonomie industrielle. En effet, le mythe des « Airbusindustriels » et l’idéologie de la « taille critique » scandée depuis des années par une élite économique déconnectée des intérêts vitaux et souverains ont fait de nombreux dégâts.
Les exemples sont nombreux. On pourrait citer la vente de la division énergie d’Alstomqui représente 70 % de l’entreprise, à son concurrent américain General Electric, véritable opération manipulée, ou bien l’opération capitalistique de sa branche ferroviaire qui est tellement favorable à Siemens que ce n’est pas un groupe européen qui va être créé, mais un groupe très majoritairement allemand.
« Il ne suffit pas de mythifier et multiplier les coopérations européennes pour produire une industrie crédible »
De même, la volonté affirmée par le gouvernement français de rapprocher le constructeur français Naval Group (ex-DCNS, NDLR)de l’italien Fincantieri conduira à une disparition progressive de l’opérateur français le plus stratégique pour la marine française. Comment gérerions-nous un possible déplacement en Italie de la construction de sous-marins et les difficultés à prévoir pour la maintenance des navires français qui serait à partager avec la flotte italienne ? Le président de Fincantieri, Giuseppe Bono, revendique le leadership commercial en Amérique latine où Naval Group est le mieux implanté. L’attitude italienne provoque le trouble au sein de certains États clients de la France comme le Brésil, qui a choisi le groupe tricolore pour renouveler sa flotte sous-marine.
Le sujet de la souveraineté militaire ne se limite pas aux seuls grands groupes : la PME française HGH Systèmes Infrarouges, qui développe et commercialise des systèmes de pointe en optroniques permettant de surveiller des sites sensibles, est susceptible de passer sous pavillon américain depuis que le fonds d’investissement Carlyle Europe Technology Partners III a annoncé être entré en négociations exclusives avec la société française en vue d’acquérir une participation majoritaire à son capital. Pourquoi le gouvernement ne réagit-il pas à cette situation ?
Il ne suffit pas de mythifier et multiplier les coopérations européennes pour produire une industrie crédible. Prenons l’exemple du très ambitieux et stratégique programme Scaf (système de combat aérien du futur) voulu par la France et conçu comme un système complet associant un avion de combat de nouvelle génération, des drones d’attaque ainsi que des futurs missiles de croisière. Le drone devrait se réaliser dans le cadre d’une coopération franco-britannique que le Brexit affaiblit. Que devient le projet de drone MALE européen dans ce contexte ? Malgré la déclaration d’intention prise par la France, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne en mai 2015, le projet de drone MALE européen a pris du retard et ne devrait être opérationnel qu’à l’horizon 2025. Un partenariat franco-allemand est envisagé pour ce qui concerne l’avion de chasse dernière génération, mais l’Allemagne n’a pas les compétences pour produire un avion de combat et nos cultures stratégiques et nos règles d’engagement sont fondamentalement différentes, ce qui rend complexe cette alliance industrielle.
« Nous souhaitons la création d’un Office national de contrôle et d’évaluation stratégique des industries de défense »
D’ailleurs, ne soyons pas dupes. La remontée en puissance militaire de l’Allemagne (37 milliards d’euros de budget cette année), dont l’activisme en matière d’exportations de sous-marins est directement concurrentiel pour nos industries, tout comme l’export de ses matériels roulants, pose la question de savoir si la coopération avec ce pays sur le plan industriel peut être équilibrée. À ceux qui répètent que l’avenir passe forcément par l’Europe, on peut opposer quelques chiffres. Les principaux clients de la France en matière d’exportation d’armes sont extra-européens. L’exemple le plus parlant est celui de la vente des avions Rafale de Dassault : seuls la France, l’Égypte, le Qatar et l’Inde s’équipent en Rafale français, alors que la plupart de nos voisins européens préfèrent s’équiper en F-16 et F-35 américains. Alors que la chancelière allemande a répété à deux reprises que les États-Unis n’étaient plus à même d’assurer notre protection, Emmanuel Macron est resté silencieux. Et pourtant là est l’enjeu : quid du devenir de l’Otan ?
C’est pourquoi nous formulons dès maintenant une proposition afin de garantir le maintien de notre base industrielle et technologique de défense et son autonomie stratégique. Nous souhaitons la création d’un Office national de contrôle et d’évaluation stratégique des industries de défense, composé des Ppésidents et de membres des commissions de la Défense et des Forces armées des deux chambres ainsi que d’experts reconnus en la matière. Cette commission aura pour rôle de donner une autorisation en amont de toute opération financière susceptible d’exposer une entreprise française de ce secteur-clé. Rapidement, nous nous rendrons compte que ces réponses ne peuvent être envisagées que dans le cadre national ou par le biais de délégations d’autorités préservées par un maintien de souveraineté. Sur chacun de ces sujets et sur chacune de ces questions, l’intérêt de la France exige des réponses claires de la part du gouvernement et du président de la République. Il en va de notre sécurité et de notre avenir, si l’on veut demeurer une grande puissance libre.
Tribune coécrite par :
– Julien Aubert, député de Vaucluse, président d’Oser la France
– Thibault Bazin, député de Meurthe-et-Moselle, vice-président d’Oser la France
– Patrice Verchère, député du Rhône et vice-président d’Oser la France.
Et cosignée par :
– Bernard Brochand, député des Alpes-Maritimes
– Jean-François Parigi, député de Seine-et-Marne et vice-président d’Oser la France – Bérengère Poletti, députée des Ardennes et vice-présidente d’Oser la France – Stéphane Viry, député des Vosges et vice-président d’Oser la France
– René Danesi, sénateur du Haut-Rhin
– Alain Dufaut, sénateur de Vaucluse
– Bernard Fournier, sénateur de la Loire
– René-Paul Savary, sénateur de la Marne -Jean-Philippe Mallé, ancien député PS et vice-président d’Oser la France
– Jacques Myard, ancien député LR et maire de Maison-Laffite
– Stéphane de Sallier Dupin, conseiller régional de Bretagne
– Stéphane Sauvageon, conseiller régional de Provence-Alpes-Côte D’Azur
– Thierry Hory, conseiller régional du Grand Est et maire de Marly
– Marie-Hélène Herry, maire de Saint-Malo-de-Beignon et conseillère départemental du Morbihan – Christiane Pujol, conseillère départementale des Bouches-du-Rhône
– Olivier Arsac, adjoint au maire de Toulouse en charge de la sécurité et conseiller métropolitain de Toulouse Métropole
– Gurval Guiguen, conseiller municipal et métropolitain de Rennes
– Jean-Claude Castel, conseiller départemental des Alpes-de-Haute-Provence et maire de Corbières
– Alexandre Rassaërt, maire LR de Gisors et conseiller départemental de l’Eure
– Pierre Laget, adjoint au maire des 11e et 12e arrondissements de Marseille chargé des finances
– Jean-Louis Ghiglione, adjoint au maire de Chatenay-Malabry
– Nicolas Leblanc, adjoint au maire de Maubeuge
– Jérôme Besnard, conseiller municipal de Mont-Saint-Aignan.
Message de Julien Aubert, président d’Oser la France, de ce jour :
“Il y a trois ans disparaissait un grand gaulliste, Charles Pasqua, défendeur de l’Europe des Nations. Les héritiers de Pasqua et Seguin sont toujours là !”
Plus d’un an après l’élection d’Emmanuel Macron, la disposition des forces politiques n’a pas gagné en précision. Les veilles factions n’en finissent pas de mourir ; les nouvelles peinent à naître. Encore que la politique d’Emmanuel Macron sorte un peu du flou en naviguant insensiblement vers le centre-droit, les règles du jeu demeurent sur bien des points virtuelles. Les Républicains défaits, le Front National discrédité, d’aucuns appellent à sortir des sables mouvants et à profiter de l’incertitude générale pour prendre les devants: réaliser l’union des droites voulue par la base depuis des années en dépassant les divisions factices des partis. La manœuvre est à grands traits assez simple: laisser le centre-droit parasite au Président et réconcilier les conservateurs des Républicains avec le Front National sur la base d’une lutte contre l’immigration pour restaurer l’identité française. Les autres questions – l’Europe, la politique étrangère ou encore l’économie – restent secondaires ou déterminées par cet objectif. Enfin, la désunion serait artificiellement maintenue par le surmoi de gauche qu’imposeraient les nouveaux clercs – journalistes, magistrats, artistes, intellectuels -, renforcés par l’étau mitterrandien «Sos Racisme ou Front National».
Défauts d’analyse
Cette perspective stratégique n’est à un certain niveau pas totalement dépourvue de clairvoyance. Il est évident que l’aile juppéiste des Républicains se trouve bien de la politique menée par le gouvernement Philippe. De toute évidence la distinction de ce centre-droit avec La République en Marche s’explique en dernier ressort par de picrocholines querelles d’appareils et d’obscures stratégies individuelles. Et de l’autre côté, il existe bien une droite identitaire mettant au cœur de ses préoccupations la défense des mœurs françaises.
Le bat de l’analyse blesse néanmoins selon nous en ce que la cartographie des droites contemporaines qu’induit cette stratégie nous paraît grossièrement tracée. En vérité, elle se pense selon un triptyque, un peu similaire à celui établit par René Rémond, plutôt que comme un vis-à-vis entre le centre et la droite.
Commençons par déchirer le voile rhétorique du parti présidentiel dans ses prétentions à transcender le clivage gauche-droite. La volonté de soulager la liberté d’entreprendre des pesanteurs juridiques, de renouveler les anciennes classes politiques par les tenants des secteurs nouveaux de l’économie, le primat de la raison modératrice, l’affirmation renouvelée du pragmatisme, ainsi que la neutralité axiologique sur les questions de société, gages du reste d’une redoutable plasticité, font d’Emmanuel Macron un héritier de la droite orléane pour qui les conflits politiques doivent être dépassés par la raison économique et la compétence technique. Son discours de modernité et d’audace lui est permis en ce qu’il s’appuie sur le capital mobile et les entreprises détteriorialisables, en demi-rupture avec le capitalisme «à la papa» incarnée alors par François Fillon, résidant quant à lui sur les revenus réguliers issus de biens et des industries immeubles, sécrétant logiquement un certain nombre de valeurs conservatrices – la famille, la terre, la prudence, l’obéissance – liées aux structures patrimoniales. Ces deux aspects du capital restent par ailleurs solidaires. Promettre «en même temps» la sécurité et la liberté, subterfuge langagier plutôt que véritable pensée dialectique la plupart du temps, s’applique en revanche étonnamment bien pour couler en un même lit ces deux eaux du capital, permettant sans grands frais à Emmanuel Macron de s’aventurer en terre conservatrice.
Cette droite économique, à son corps défendant la plupart du temps, est donc la première composante dans la géographie politique, et domine au fond le camp conservateur.
La seconde droite est ce qu’on nous appellerions, par souci de ne pas porter à ce point de l’analyse de jugement de valeurs, plutôt qu’extrême-droite, droite culturelle, parce qu’elle met au cœur de son combat politique la défense d’objets culturels constitutifs à leur yeux de l’anthropologie française ou européenne – la religion, la famille, la manière de vivre, la culture élitaire. Le Front National et ses pseudopodes en sont les principaux représentants, dont l’adversaire fédérateur demeure depuis 1972 l’immigration non-européenne et les mutations culturelles subséquentes sur la société française, au premier chef la religion musulmane.
Soulignons qu’en dehors de l’unanimité sur ces questions migratoires, cette droite culturelle est en proie à maintes querelles concernant les autres problématiques. La laïcité, la place de la France dans l’Europe, le libéralisme économique, la place de la région, le domaine de l’État, la politique étrangère, la mémoire collective et, plus largement, le rapport à l’Histoire de France demeurent en son sein de tenaces pommes de discorde. Le composite attelage du Front National en témoigne, qui rassemblait jadis nostalgiques de Vichy et anciens résistants, néo-païens et catholiques traditionalistes, partisans de l’Europe chrétienne intégrée et défenseurs de l’autonomie française, qui sur vingt ans est passé sur le plan économique du reaganisme à l’interventionnisme pour en revenir depuis l’an passé à un entre-deux confus.
On pourrait croire que c’est par défaut de jugement que les unionistes jettent un pudique manteau de Noé sur la question socio-économique. Hormis quelques déclarations de Nicolas Dupont-Aignan, on n’entend guère les autres tenants de la renaissance de la droite – Laurent Wauquiez et Marion Maréchal principalement – s’opposer fondamentalement à la politique économique du gouvernement. À la vérité, rien de plus logique à cela: l’analyse michéenne se révèle une fois de plus d’une acuité impeccable. De même que la nouvelle gauche confond avec d’autant plus d’aplomb le parti des ombres qu’elle-même respecte admirablement les tables de la loi du laissez-faire économique, le conservatisme français n’a jamais été qu’un libéralisme patiné par endroits d’un inoffensif conservatisme qu’Emmanuel Macron, habile communicant qu’il est, saura parfaitement investir si nécéssaire. La droite conservatrice demeure avant tout libérale, et marchande ses prétendues valeurs morales à qui veut bien l’élire. Pour preuve, la politique économique du Président poursuit celle menée par Nicolas Sarkozy, qui n’avait quelques jours avant son élection pas de mots assez durs pour flétrir l’étiolement moral qu’avait introduit la pensée 68 en France. Déjà en remontant les vingt dernières années, les bravades oratoires du RPR et de l’UMP en matière d’immigration, de conservatisme moral ou encore de primauté des intérêts français sur les intérêts européens n’ont pas été suivis d’effets lors des douze années où le parti tenait les principales institutions du pays. De toute évidence, les prises de position actuelles – et au premier chef de celles de Laurent Wauquiez – sont davantage le fruit d’une volonté de différenciation vis-à-vis du Président de la République que d’une vision politique claire des enjeux contemporains. On serait d’ailleurs bien en peine de nommer, à quelques électrons libres près, les fractures foncières qui démarqueraient le groupe La République en Marche des Républicains, tout droitiers qu’ils se présentent, au sein du Parlement.
L’union de cette droite culturelle avec la droite économique, qui bénéficie du rapport de force politique, nous semble en second lieu improbable du point de vue sociologique. Pour un électeur gagné à droite par un discours identitaire, c’est a minima un électeur perdu au centre en plus du risque de se voir exclu du cercle de la respectabilité et des lieux de pouvoir pour les classes supérieures. De plus, comme le montre le report de voix très majoritaire des électeurs de François Fillion sur Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle, un électeur libéral, encore que sensible aux thématiques culturelles, préférera la sécurité économique de la République du centre aux outrances verbales d’un Laurent Wauquiez et aux tête-à-queue du Front National sur les questions monétaires. L’argument vaut aussi bien pour l’électorat catholique, à partir duquel Marion Maréchal semble vouloir forger son tremplin. À en croire l’étude IFOP du 7 mai 2017 pour Pelerin/La Croix, 62% des catholiques (dont 71% des pratiquants réguliers) auraient voté pour Emmanuel Macron contre Marine le Pen au second tour des dernières élections présidentielles. Vouloir par conséquent faire de l’identité catholique un porte-drapeau, c’est ne pas prendre acte de la rupture de la doctrine ecclésiale dont le concile de Vatican II fut l’aboutissement. Le ralliement à la démocratie libérale, le refus de la politisation du sentiment religieux, la stratégie de laïcisation du message chrétien, la défense de la personne humaine – axiome de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme – sont autant de principes qui ont informé les consciences catholiques jusqu’à leur faire préférer la culture du consensus et de la modération aux formations ouvertement et radicalement clivantes.
En troisième lieu, en vis-à-vis de ses deux consœurs, les reliquats de la pensée gaullienne, encore que peu représentée au sein des assemblées, nous semble constituer la dernière pièce de la tripartition, nous apparaît constituer ce que nous appellerions «droite politique» au sens fort. Toujours vivace par la sensibilité d’une partie de la population à l’indépendance de la France vis-à-vis de l’Union européenne, électorat soucieux d’un État interventionniste se dressant contre la division naturelle de la société française, partisan d’une politique internationale active en faveur d’un équilibre des puissances – une partie de la population en somme acquise à la centralité de la question des institutions et de la communauté politique, leviers de la conciliation sociale à l’intérieur et de la puissance à l’extérieur. Plus républicaine que libérale, elle préconise le recours direct et régulier au peuple, compris comme ensemble du corps social, pour vivifier la vie civile et contrer l’ossification naturelle des institutions. Cette perspective de la pratique de la politique l’emmène d’ailleurs à la rapprocher d’une certaine partie de la gauche contractualiste, élément qui, pour mémoire, était déjà fort reproché au Général de Gaulle en son temps par les droites tixiériste et pompidolienne. L’idée que la France ne peut exister que comme geste historique et politique, unifié par l’action de l’État, l’obligeant à refuser la division du peuple par les factions, qu’elles soient politiques, sociales ou culturelles, la met en délicatesse avec les partisans de la régénération culturelle de la nation. Son souci d’originer la légitimité démocratique dans la volonté générale plutôt que la raison publique, ainsi que sa critique fondamentale des institutions européennes et des inféodations transatlantiques lui mettent à dos le centre-droit libéral.
Aussi les vaticinations de la droite «qui s’assume», sans qu’on sache vraiment quelles sont ses zones à défendre si ce n’est une résistance au miroir de la gauche – dans laquelle est incluse la majorité présidentielle – vont-elles à l’encontre des paradigmes du libéralisme et du gaullisme: l’un prétend dépasser le clivage par le gouvernement des individus moteurs de l’économie, l’autre par le recours à un peuple pensé comme mobile et pluriel, mais qui doit trouver dans la représentation institutionnelle et l’incarnation historique la sortie des divisions mortifères. Logique du consensus des intérêts ou de la communauté politique d’un côté, de l’autre, stratégie de la rupture culturelle ouverte.
Dès lors le parallèle évoqué par un Éric Zemmour ou un Nicolas Dupont-Aignan avec l’union de la gauche de 1981 nous semble défaillant, en ce qu’il fait l’économie de paramètres cruciaux. Premièrement, l’union de la gauche voulue par Mitterrand s’est faite parce que l’atmosphère culturelle était à gauche, sur le plan social et culturel, et enveloppait toutes les strates de la société, comme le gaullisme en son temps. Il existait entre les socialistes et les communistes des pans de contact idéologique d’envergure, des passerelles, de vastes espaces communs de politisation. L’endiguement des excès du système capitaliste, l’amélioration des conditions de vie, la prise en compte, amorcée par le Président Giscard d’Estaing, de l’évolution des mœurs pouvaient trouver une substance dans l’établissement de mesures concrètes, à savoir la nationalisation de certains secteurs bancaires et industriels, la cinquième semaine de congés payés, l’abolition de la peine de mort entre autres. Contrairement aux demandes diverses et contradictoires des électorats de droite aujourd’hui, il existait sur ces points une différence de degré dans les aspirations des électorats de gauche dont le programme commun de 1972 fut le point d’équilibre, non sans force discussions et querelles, soit dit en passant. Tout cela pouvait constituer un horizon de société désirable pour une majorité de citoyens, ce que la lutte contre l’immigration, seul point d’Archimède d’une possible union des droites, ne saurait être.
D’aucuns vont chercher d’autres séquences historiques encore pour trouver l’inspiration d’un rassemblement des droites. Il est vrai que l’union des droites est un vieux rêve depuis la Troisième République, et a même été tentée par deux fois.
Une première fois à la naissance de la République de 1873 au 16 mai 1877, lorsque Mac-Mahon tenait la Présidence. Les bonapartistes étaient alors désireux de mettre le petit prince à la tête de l’Empire, les légitimistes voulaient le trône pour le comte de Chambord et les orléanistes s’inquiétaient de restaurer une monarchie constitutionnelle qui freinerait les aventures d’un pouvoir républicain soumis aux vents des classes laborieuses. La morale de l’histoire: leurs idéologies étaient si hétérogènes que, malgré toutes les incantations, l’union resta de fait lettre morte, le ralliement des modérés à la République aidant.
La deuxième véritable union des droites, quoi qu’on en veuille, ce fut l’État français qui la proposa. La «dictature pluraliste» du Maréchal Pétain permit à toutes les tendances de droite d’accéder au résidu de pouvoir qui restait à la France: les néo-légitimistes maurassiens inspirant la Révolution nationale, les émules fascisantes du bonapartisme nées de la rencontre de l’anti-capitalisme et des mouvements antiparlementaires, ainsi que la technocratie planiste héritière de l’orléanisme qui put, pendant la suspension des procédures démocratiques, accomplir les restructurations administratives qu’elle désirait depuis la fin de la Grande Guerre, et qui fut d’ailleurs, faute de remplaçante, recyclée par tous les gouvernements d’après-guerre.
Le rappel historique nous apprend une chose: une synthèse des droites a toujours été un amalgame baroque et évanescent résultant d’un effondrement de l’Etat permettant un appel d’air de fractions hétérogènes qui ne se solidarisent que par la désignation d’ennemis désignés: la confédération des destructeurs supposés de la nation française. Une fois la passion essoufflée, les institutions redressées, la fragile coalescence se désagrège, et le rassemblement des droites apparaît alors comme le symptôme et la conséquence d’un affaissement national.
La renouveau de la droite malgré tout?
La perspective que nous adoptons ici va de toute évidence en défaveur d’une union des droites qui ne peut aboutir qu’a un syncrétisme éphémère et dangereux. Pour autant, tout ne nous semble pas perdu pour une certaine idée de la droite, si tant est qu’il faille absolument la relever au vu de la médiocrité de son bilan gouvernemental comme des visions de la France et du Monde qu’elle propose. Encore faut-il la définir.
La thèse d’Alain-Gérard Slama nous semble la plus pertinente, selon laquelle être de droite est avant tout une humeur, une psychologie qui se dresse contre la fragmentation du monde moderne. Définir la droite en ces termes permet de rendre compte assez finement des projets politiques de droite depuis la chute du Premier Empire. Parmi lesquels la restauration des totalités hiérarchiques comme la famille, la religion, l’État, l’Ancien Régime qui protège l’individu et le prévient contre sa propre tyrannie, l’émergence à l’issue du dialogue des intelligences d’une raison publique aussi objective que possible pour obvier aux affres des passions politiques, la cautérisation des plaies civiles par la volonté de l’État incarnant la continuité historique et la cohérence sociale. Mais aussi un certain nombre d’affects persistants: le désir irénique de réduire totalement l’abîme du social dans la fraternité nationale, le culte aveugle de la raison qui débouche sur le refus des alternatives, ou pire, la haine contre les éléments que l’on perçoit comme la cause de désagrégation culturelle. Il semble que de penser l’affect de droite comme la restauration d’une unité perdue permette de donner une cohérence conceptuelle à ces percepts et projets politiques.
Cela étant posé, quelles sont à l’heure actuelle les failles à combler, les unités à restaurer? La faille de la société française est double: l’étiolement du continuum socio-géographique sanctionné par le niveau d’étude entre les classes populaires et bourgeoises d’une part, l’absence grandissante du sentiment d’appartenance commune entre la France des banlieues et le reste de la population deuxièmement. Il y aurait des nuances à faire. Reste que les logiques électorales actuelles cherchent, au mieux, à unir deux de ces trois France contre ou malgré la troisième. Union des périèques de toutes origines contre la classe possédante qui jouit d’un jeu économique faussé pour la gauche radicale, front des populations blanches – bourgeoises conservatrices et populaires – contre l’islamisme et ses relais conscients ou objectifs pour la droite culturelle, alliance enfin des métropolitains progressistes avec les populations immigrées au sein du biotope économique désormais bien connu des métropoles mondialisées au détriment du reste du territoire – autant de stratégies ouvertes ou couvertes par voie de conséquence, du «eux» contre «nous».
Il est évident que l’idéal unanimiste – du Sacre de 1494 à la «France Résistante» – demeure pour partie une fiction. D’ailleurs, qui de raisonnable voudrait se concilier à tout prix les fanatiques religieux ou les racistes incurables qui, quoi qu’ils en aient, n’entendent pas ce qu’est l’honneur de notre pays ou encore – bien qu’on ne les mette bien entendu pas sur le même plan moral – les zélateurs cyniques de la mondialisation néolibérale dont les structures mêmes produisent la violence sociale et les divisions que nous déplorons?
Le discours d’une droite rénovée serait de faire une distinction entre un «nous» qui comprendrait toutes bonnes volontés prêtes à retisser un sentiment social et culturel de communauté politique, autour notamment des questions de souveraineté, et la désignation des ennemis qui comprend les agents de la dissolution nationale – islamistes et identitaires -, celle des adversaires à un moindre niveau, soient les superstructures économiques qui frayent la voie aux conflits civils ainsi que les cadres européens actuels qui paralysent toute action publique de redressement. Aussi la souveraineté politique doit-elle s’aborder par le détour du social, et ce de manière très précise, sur des points aussi clivants que la régulation du système bancaire, des contrôles des capitaux et des outils dont l’indépendance monétaire et juridique permettrait de se doter.
Même si, au vu de l’histoire, le phénomène bonapartiste bien compris ne prend lieu qu’au sortir d’un contexte de délitement généralisé de la nation, il ne faut pas moins jeter le pont qui nous permettra de traverser la rivière le moment venu pour éviter que la désunion sociale et culturelle n’en vienne à plonger le pays dans de douloureuses périodes.
Il nous suffira, en guise d’avertissement final à ceux qui sacrifient la lutte politique aux chimères de l’identité, de citer le discours de Phillipe Séguin du 5 mai 1992 pour savoir à quoi s’en tenir:
«On parle de l’identité lorsque l’âme est déjà en péril, lorsque l’expérience a déjà fait place à l’angoisse. On en parle lorsque les repères sont déjà perdus! La quête identitaire n’est pas une affirmation de soi. C’est le réflexe défensif de ceux qui sentent qu’ils ont déjà trop cédé. En ne nous laissant que l’identité, on ne nous concède donc pas grand-chose, en attendant de ne plus rien nous concéder du tout!».
Le projet identitaire ne peut à terme finir qu’en vaste kermesse totémique, où la contre-révolution rencontrera la société du spectacle la plus régressive, où, en compensation du pouvoir perdu, l’on produira les sèches images d’un passé fantasmé à défaut de retrouver les voies de la grandeur. Le Puy du Fou ou l’Histoire de France: la droite devra faire son choix.
Oser la France Gironde prend position sur différents sujets d’actualité : nous vous proposons une première réflexion sur un sujet qui touche à la fois à la sécurité alimentaire, au libre-échange et à l’orientation que nous devrions donner à l’Europe.
Les efforts mis en œuvre en France dans le sens du bien-être animal et les craintes légitimes que suscitent des pratiques de modification génétique de denrées alimentaires justifient une vigilance accrue au niveau européen quant à la portée des accords commerciaux conclus, notamment avec le Canada.
Un modèle productif intensif industrialisé à l’opposé des attentes des français : mélanger les gènes des espèces pour produire plus gros et plus vite
La firme canadienne Aquabounty produit un Saumon Atlantique transgénique dont la structure génétique a été modifiée pour atteindre la taille commercialisable beaucoup plus rapidement (de 18 à 20 mois contre 28 à 36 mois) par introduction du gêne d’un autre Saumon Quinnat (Chinook, Pacifique).
Demain, elle pourra demander l’introduction de ce saumon ou sa production dans des fermes aquacoles locales en Europe alors même que directement ou indirectement, ses clients ne sont pas connus car il n’existe aucune règle d’étiquetage pour un produit de ce genre.
Demain en Europe ! l’UE est impuissante à en éviter l’introduction…
Aquabounty pourra présenter une demande d’introduction du Saumon AquAdvantage sur le marché de l’UE en tant que denrée alimentaire ou pour l’élevage par importation d’œufs en provenance du Canada, à un des Etats membres qui la transmettra à l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (AESA).
L’étude de l’AESA sera soumise au Comité Permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et aliments pour animaux qui vote à la majorité qualifiée : cela ne garantit aucunement qu’une position de vigilance portée par la France soit suivie par la majorité.
Au final et en cas de désaccords ou d’absence de majorité, l’arbitrage sera rendu par la Commission Européenne.
L’exemple récent du refus d’interdiction du glyphosate nous montre que les procédures décisionnelles sont hasardeuses et aboutissent à un moins disant environnemental et sanitaire.
Que ce soit par la procédure de comitologie ou par adoption d’un projet d’acte d’exécution, la Commission ne peut certes s’abstenir de trancher mais à partir du moment où des enjeux fondamentaux sont concernés, sa décision ne devrait pouvoir se suppléer aux décisions des parlements nationaux.
Impossibilité de s’opposer à cette introduction au titre de l’OMC
Si une évaluation des risques a été faite par l’Union Européenne, il ne sera plus possible de prétendre s’opposer à cette demande sauf à risquer qu’un Etat ou l’Union Européenne se voient reprocher une violation de l’Accord SPS (Sanitary and Phytosanitary Measures) en cas de refus d’introduction de saumon transgénique.
Effets induits de l’accord UE/Canada
Conclu dans le même esprit que l’OMC, le CETA a pour objectif de favoriser l’utilisation de processus d’approbation des produits de biotechnologie: le principe de précaution n’est mentionné ni dans le CETA, ni dans son instrument interprétatif.
A l’inverse, en France, l’animal est reconnu comme être sensible, une réflexion donc doit être menée sur les aspects éthiques de l’incorporation dans une espèce animale des gènes d’une autre espèce.
Le cas d’Aquabounty n’est qu’un des aspects tangibles des effets de l’ouverture dogmatique du champ des accords commerciaux : les Etats Européens doivent pouvoir défendre les évolutions sanitaires et les progrès communs construits au sein de l’Union Européenne.
Oser la France, changer l’Europe
L’Europe doit se montrer protectrice et garantir la sécurité alimentaire des consommateurs : Il faut en finir avec le dogme suprême du libre-échange multilatéral et répondre aux attentes des citoyens européens.
Les accords bilatéraux de libre-échange « total » ne peuvent être conclus avec des Etats ne présentant pas les mêmes standards sociaux, environnementaux et sanitaires préservés sur l’existant européen
La France doit porter l’objectif d’un commerce responsable intégrant la pérennité des filières de ses Etats membres : Elle doit faire entendre sa voix au sein du Conseil et au Parlement Européen pour remettre les intérêts communs au cœur de l’Europe.
Introduction. Union européenne : le peuple introuvable
La construction européenne est le produit d’une idée juste et d’un vice de construction.
L’idée juste vise à permettre aux nations du Vieux continent de faciliter leurs coopérations. Il ne s’agit donc pas d’être favorable ou défavorable à l’Europe : l’Europe est en effet une donnée géographique, géopolitique et culturelle évidente pour la France qui a besoin de coordonner certaines de ses politiques avec ses voisins européens. La civilisation européenne est une réalité historique : l’Europe se définit par une Foi originelle commune, le christianisme, qui a engendré une civilisation universelle et singulière. Son premier pilier est donc la foi (Jérusalem) ; le deuxième pilier est la Raison (Athènes) ; le troisième pilier est le Droit (Rome).
Le vice de construction a consisté à créer une organisation supranationale, d’essence fédérale, en dépit de la pluralité des peuples européens qui ont, chacun d’eux, une longue histoire. Car il n’y a pas un seul peuple européen mais bien plusieurs peuples européens comme l’a souligné le Tribunal de Karlsruhe dans son arrêt du 30 juin 2009, la Cour constitutionnelle allemande rappelant, par la même occasion, que le Parlement européen n’a pas la même légitimité que les Parlements nationaux.
L’Union européenne, objet politique non identifié, est devenu, selon le mot de Gil Delannoi (Cevipof) « un arrangement politique et bureaucratique, quasiment incapable de reculer et d’avancer et, pire encore, incapable de penser et proposer plusieurs options à débattre », (« La nation contre le nationalisme », PUF, 2018). Il est vrai que le vote des Français qui avaient eu le mauvais goût de s’opposer, en 2005, au « Traité constitutionnel européen », a ainsi été contourné en 2007 par le Traité de Lisbonne.
Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) dit « Pacte budgétaire européen », entré en vigueur le 1er janvier 2013, a tout simplement constitutionnalisé une politique économique. Et que dire de l’Euro, la monnaie unique, imposée à des peuples européens aux économies et aux sociétés parfois si différentes, au prix de bien des contraintes voire de bien des souffrances… Avec une ampleur croissante, ce déni de démocratie est vivement ressenti par les peuples européens qui se sentent dépossédés de la maitrise de leurs destins ; et nous tenons pour sûr que l’affaiblissement volontaire des nations, voulue par une large partie des élites est une des raisons majeures de la montée des nationalismes.
Le débat entre partisans d’une Europe respectueuse des souverainetés nationales et partisans d’une Europe fédérale n’a pas cessé d’être au cœur de la discussion publique en France, depuis le Traité de Maastricht adopté par référendum en 1992. Et ce, malgré les efforts déployés par les dirigeants des principales formations politiques pour masquer les enjeux profonds d’une intégration européenne à marche forcée.
L’élection d’Emmanuel Macron, il y a un an, à la Présidence de la République, a eu le mérite de rompre avec les louvoiements de ses prédécesseurs : ce jeune Président, s’est installé dans un paysage politique épuisé aux yeux des Français, les politiques menées depuis bientôt 30 ans par la droite et par la gauche ayant été, pour l’essentiel, les mêmes, sans qu’elles aient été vraiment assumées. Le Chef de l’Etat fait de l’Union européenne la colonne vertébrale de sa politique, mettant sans cesse en scène son volontarisme européen. Le philosophe et historien Marcel Gauchet le souligne : « l’article 1 du macronisme, c’est l’Européisme », (13 mai 2018). Emmanuel Macron a ce mérite : il oblige ainsi les acteurs politiques à s’emparer de la question européenne et à prendre clairement position. Aussi, les patriotes, nationaux et républicains, partisans de la nation souveraine, ont-ils le devoir de construire la proposition claire et cohérente qu’attendent les Français. Cette courte note tente, dans un premier temps, de discerner la dynamique et les faiblesses du « moment Macron ». Puis dans un deuxième temps, de définir pour Oser la France une ligne politique sur la question européenne assortie de quelques recommandations d’actions.
Emmanuel Macron, Président de la République : l’émergence d’un nouvel ordre politique
Emmanuel Macron, dès la campagne électorale pour la Présidentielle, s’est revendiqué d’un projet politique libéral et européiste, à la fois de droite et de gauche, soulignant la cohérence, sur le fond, de sa démarche. Il a toujours, depuis son arrivée à l’Elysée, assumé sa ligne politique. Le Président de la République ne doit cependant pas oublier les conditions politiques de sa victoire qui révèlent, pour l’instant, une absence d’ancrage en profondeur dans le pays et d’un projet réellement fédérateur pour la France.
1.1. Une recomposition politique cohérente et dynamique
Jérôme Sainte-Marie, dans son ouvrage « Un nouvel ordre démocratique » (Editions du Moment, 2016) ou Jérôme Fourquet, dans « Le nouveau clivage » (Editions du Cerf, 2018), évoquent la recomposition profonde du champ politique en France impulsé par le Président de la République. Cette recomposition s’est d’abord faite à partir du caractère devenu obsolète du clivage entre la droite et la gauche, en particulier sur l’Europe : cela est apparu avec netteté lors des référendums sur le Traité de Maastricht en 1992 et sur le Traité constitutionnel européen en 2005, les partis principaux de la droite (RPR et UDF devenus UMP) et de la gauche (PS) étant eux-mêmes divisés entre européistes et partisans de la souveraineté nationale. Jérôme Fourquet, en conclusion de son ouvrage précité, souligne « qu’en France, le processus de recomposition politique initié par la victoire d’Emmanuel Macron est bien engagé mais n’est pas encore arrivé à son terme. L’aile la plus libérale de la droite a déjà ou est en train de rallier le bloc central macronien ». Il ajoute : « Si le clivage gauche/droite n’a pas dit son dernier mot, notamment dans un vieux pays comme la France, chacun de ces deux blocs est de plus en plus travaillé par ces nouvelles lignes de fracture. Les récents débats, à gauche, sur l’islam et la laïcité et à droite, sur la construction européenne et le libre échange l’illustrent. En France comme ailleurs, un nouvel ordre politique est en train d’émerger sous nos yeux ».
Les élections européennes de juin 2019 seront donc l’occasion pour Emmanuel Macron de poursuivre et d’amplifier la recomposition politique entreprise, en bénéficiant de la dynamique suscitée par la cohérence de son « logiciel » libéral et européiste qui occupe un espace grandissant, à gauche et à droite.
1.2. Une recomposition politique sans adhésion majoritaire des Français.
Si sa légitimité politique est évidemment incontestable, Emmanuel Macron ne doit tout de même perdre de vue ni l’étroitesse de son socle électoral ni la polarisation de la vie politique et sociale : un chef de l’Etat ne peut gouverner la France sans avoir le souci de sa cohésion. Or, les conditions de son élection ainsi que la politique menée depuis un an dérogent à cet impératif catégorique. Le premier tour de l’élection présidentielle a donné la vérité du rapport de force politique en France : Emmanuel Macron, Marine Le Pen, Francois Fillon et JeanLuc Mélenchon sont arrivés au coude-à coude, avec, pour chacun d’eux, plus ou moins de 20 % des suffrages exprimés. Jérôme Sainte-Marie, analysant les votes du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, a pu évoquer un « bloc élitaire » en faveur d’Emmanuel Macron et de Francois Fillon et un « bloc populaire » pour Marine Le Pen et JeanLuc Mélenchon. Car cette nouvelle ligne de partage entre « européistes » et « souverainistes » a une réalité sociale, présente en France comme dans toutes les démocraties occidentales :
Les « européistes » vivent en majorité dans les métropoles, appartiennent aux CSP + et sont en phase avec la globalisation libérale dont ils maitrisent les codes et tirent leurs revenus ; ils veulent dépasser le cadre national et favoriser le multiculturalisme.
Les « souverainistes » vivent en majorité dans les territoires de « la France périphérique », appartiennent aux classes populaires et classes moyennes inférieures ; ils sont attachés à un territoire, à des traditions et au cadre national.
1.3. Une recomposition politique sans projet fédérateur pour la France
Le projet politique d’Emmanuel Macron, conceptualisé autour des notions de la « République contractuelle » et de la « souveraineté européenne », vient percuter l’architecture politique et sociale de la France, fondée, dans sa profondeur historique, sur le triptyque Nation-Etat-République. Avec la « République contractuelle », tout d’abord, il s’agit de valoriser le contrat et les rapports contractuels au détriment de la loi. D’où l’inversion de la hiérarchie des normes dans la réforme du code du travail, code du travail conçu, faut-il le rappeler, non pas pour créer des emplois mais pour donner des protections au salarié dans la relation asymétrique qui le lie à son employeur. Avec la prétendue « Souveraineté européenne », ensuite, il s’agirait de déposséder la France de sa souveraineté au profit de l’Union européenne ; mais cette « Souveraineté européenne » est une aporie pour la raison, vue plus haut, qu’il n’y a pas un seul mais plusieurs peuples européens.
Oser la France : Une France libre dans une Europe respectueuse des nations.
Oser la France rassemble des Français qui travaillent à un projet politique inspiré de l’action du Général de Gaulle, c’est-à-dire fondé sur la souveraineté de la France et l’autorité de son Etat. Charles de Gaulle : « La démocratie, pour moi, se confond avec l’idée nationale ».
Oser la France assume clairement le choix de la nation souveraine, condition sine qua non de la démocratie et des solidarités effectives. Il nous faut, pour cela, combattre cette pensée binaire, répandue à dessein, qui nous intime l’ordre de choisir entre une Europe présentée comme moderne et une France dépeinte comme étriquée voire « moisie ». Nous sommes armés pour le faire : d’abord parce que la France a toujours été ouverte au monde ; c’est ne pas connaitre son histoire que d’en faire un pays recroquevillé sur lui-même. Ensuite parce que la conception française de la citoyenneté est ouverte et exigeante : ouverte car être Français ne relève pas d’une question de couleur de peau ou de religion ; exigeante, car être Français, c’est assimiler l’histoire de notre pays, se conformer aux principes politiques et juridiques qui l’ont façonné, le gouvernent, et qui tendent à l’universel.
2.1. La nation souveraine, condition de la démocratie.
Nous ne serons pas comme ces pharisiens, trop nombreux dans le champ politique, pointés par Philippe Séguin dans son discours à l’Assemblée nationale préalable au vote de la loi sur la ratification du Traité de Maastricht, dans la nuit du 5 au 6 mai 1992 : « Qu’on ne s’y trompe pas : la logique de l’engrenage économique et politique mis au point à Maastricht est celle d’un fédéralisme au rabais, fondamentalement antidémocratique, faussement libéral, résolument technocratique. L’Europe qu’on nous propose n’est ni libre, ni juste, ni efficace. Elle enterre la conception de la souveraineté nationale et les grands principes issus de la Révolution : 1992 est, littéralement, l’anti 1789. Beau cadeau d’anniversaire que nous font les pharisiens du Bicentenaire pour les deux cents ans de cette République qu’ils encensent dans leurs discours et ruinent par leurs actes ! ».
Et Philippe Séguin de rappeler plus loin que la souveraineté est une catégorie philosophique et politique qui ne peut se diviser :
« La souveraineté est une notion globale, indivisible, comme un nombre premier. On est souverain où on ne l’est pas, mais on ne l’est jamais à moitié. La souveraineté est par essence un absolu qui exclut toute idée de subordination et de compromission… La souveraineté, cela ne se divise pas, cela ne se partage pas non plus et, bien sûr, cela ne se limite pas ».
La souveraineté nationale n’est pas une idée quelconque, agitée sur le marché politico-médiatique de l’information en continu : elle est au cœur de l’identité politique de la France ainsi qu’au sommet de la hiérarchie des normes juridiques, avec la Constitution.
D’abord par l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, intégrée au Préambule de la Constitution de 1958 : « le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ».
Ensuite par le Titre premier de notre Loi suprême, intitulé « De la Souveraineté nationale », qui stipule en son article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par voie de référendum ».
Cette question de la souveraineté nationale est centrale car elle conditionne le sens de nos engagements politiques : nous sommes au service du peuple français, et pour longtemps encore, l’intérêt général se définira au niveau de la nation, corps politique unifié. Ce qui fait dire à Marcel Gauchet : « les poussées dites populistes en Europe ne sont qu’un symptôme parmi d’autres d’un mouvement plus large et plus profond. Indépendamment d’elles, le retour des nations est déjà là en Europe. Il ne trouve pas encore sa traduction politique et institutionnelle mais le processus est à l’œuvre. Le nouveau monde est et sera un monde d’Etatsnations », (13 mai 2018). Où l’on voit qu’Oser la France pourrait avoir une responsabilité particulière dans ce processus à l’œuvre…
2.2. La nation souveraine, condition de la solidarité
Qu’est devenu le grand récit national et républicain, porteur de promesses sociales et de valeurs universelles ? Le modèle politique et social auquel les Français restent attachés, porté par le triptyque Etat-Nation-République, est constamment remis en cause par l’Union européenne pour des raisons idéologiques présentées comme simplement « techniques ». Cela doit cesser. Non pas que ce modèle français ne demande pas à être amendé et adapté aux circonstances de l’heure. Mais la conception que nous avons de l’Etat et en conséquence des notions de « puissance publique », de « service public », de « protection sociale » ou de « laïcité » est le produit de notre histoire, élaboré par les Français eux-mêmes. Il faut ici le redire avec force : c’est l’Etat qui a créé la France. Cette réalité historique devrait toujours être à l’esprit des dirigeants politiques alors que se font bruyamment entendre des identités régressives portées par divers communautarismes, corporatismes et féodalités locales. Quand l’Etat est faible, ce sont les bandes et les tribus qui prospèrent. Les Français et parmi les plus modestes, l’ont bien compris : il n’y aura, dans notre pays, aucune justice sociale, aucune cohésion sociale envisageable sans une économie redressée, fondée elle-même sur une souveraineté populaire et nationale retrouvée. De ce point de vue, la viabilité de l’Euro nous interroge car les conditions d’existence d’une monnaie unique sont liées aux flux de transfert budgétaire et financier sur les territoires de cette monnaie. En d’autres termes : seul un Etat unifié porté par une nation souveraine peut assumer une politique de réduction des écarts entre ses territoires, et ce, par des mécanismes de compensation, de péréquation et liés à l’aménagement de son territoire.
8 mots clés pour une Union européenne respectueuse des nations souveraines.
Nous traçons aujourd’hui une ligne à 8 traits qui délimite le périmètre d’une nouvelle Europe et que nous versons à la réflexion collective des Républicains. Elle peut être résumée en 8 mots clés :
1# Clarté. Les Républicains doivent sans ambiguïté affirmer qu’ils considèrent que le but ultime de l’Union européenne n’est pas une Fédération mais qu’elle doit garder sa nature d’organisation internationale sui generis.
2# Civilisation. L’Europe, c’est une âme. C’est notre civilisation. C’est donc dans le périmètre de cette civilisation que la coopération européenne doit s’épanouir, ce qui exclut définitivement les pays comme la Turquie et ouvre la porte à des pays comme la Russie. Cela veut dire aussi que notre priorité doit être de mener une politique de coopération ciblée tout en luttant contre le terrorisme djihadiste et l’immigration massive. Cela veut dire également de revoir au besoin le périmètre de Schengen.
3# Démocratie. Le Parlement européen ne peut pas incarner un peuple européen. La commission, composée de fonctionnaires, ne peut-être son gouvernement. Remettons au cœur de l’Europe les Parlements nationaux, au lieu de les contourner comme on le propose pour les traités commerciaux. Le rôle politique de la commission qui est une anomalie pour une organisation internationale doit être clairement supprimé.
4# Simplification. Organisons un recentrage des missions de l’Union européenne sur des sujets où elle a une vraie plus-value mais sans pour autant s’encombrer des 27 pour avancer. Construisons des coopérations variables comme pour Airbus en dehors de la lourdeur bruxelloise pour construire par exemple des géants du numérique.
5# Souveraineté. On ne peut rester les bras croisés à voir notre pays « se détricoter ». Il faut qu’une loi de souveraineté d’un Parlement soit supérieure au droit dérivé européen. Exigeons un droit de veto.
6# Service public. Nous souhaitons que soit mis fin à la politique de libre concurrence tous azimuts et voulons encourager le maintien des services publics dans certains secteurs stratégiques comme l’hydroélectricité ou le nucléaire. A l’inverse, exigeons de Bruxelles des mesures de rétorsion massives contre les GAFAS.
7# Protection. La France doit s’opposer à ce que les traités s’appliquent sans avis conformes de son Parlement. Les Républicains doivent s’engager à voter « non » aux traités commerciaux à venir du type CETA ou MERCOSUR.
8# Budget. Nous voulons assouplir l’absurde règle des 3 % de déficit en excluant de son calcul les investissements d’avenir ainsi que les dépenses de santé ou d’éducation. Plus largement, l’Italie remet en cause avec raison le verrou du déficit. Comme le réclament 154 économistes allemands, nous devons prévoir une clause de sortie de l’Euro et réfléchir dès maintenant à l’avenir de la zone Euro en cas de sortie de l’Italie.
RGPD : “Je préfère qu’on paye les réseaux sociaux que de donner gratuitement nos données au GAFAM”.
Julien Aubert s’exprime au sujet des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), et de nos données personnelles que ces derniers s’approprient gratuitement. Ce sujet est d’autant plus important qu’il existe de nombreux vide juridique international à ce sujet.
Julien Aubert sur le RGPD : C'est une avancée. De ce point de vue-là, je pense que l'Europe a pris ses responsabilités. Maintenant, quand je vois que Mark Zuckerberg [le dirigeant de Facebook] est "pour", je me dis "attention". Depuis quelques jours, nous recevons tous des mails où l'on nous dit : "Vous êtes sur tel site, il y a le RGPD, alors vous devez dire si vous acceptez les nouvelles conditions d'utilisation". Que font 99,99% des gens ? Ils cliquent en disant : "OK". Personne ne lit réellement. Il nous faudrait des jours et des jours pour aller regarder [ces conditions] dans les détails. Je suis pour des solutions plus dures. Ces données sont récupérées par des GAFAM [Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft] et elles nourrissent ensuite les moteurs d'intelligence artificielle et, dans 20 ans, on n'hésitera pas à nous vendre ces mêmes services d'intelligence artificielle. Je suis pour que les données soient considérées comme la "chose de personne", qu'on ne puisse pas se les approprier, elles sont ni à moi ni aux GAFAM, quitte à faire payer des services informatiques pour qu'elles ne soient pas conservées. Je préfère qu'on paye Facebook, même à un prix minime, qu'on paye Google, mais qu'on arrête ce système. Car les gens ont l'impression que c'est gratuit, en réalité ça ne l'est pas (…) Nous voulons que ce soit gratuit et nous donnons nos données, mais ces données seront utilisées un jour contre nous. Il faut bien avoir conscience que les projets de certaines de ces entreprises vont dans un sens qui, à mon avis, sera un jour défavorable.