Tribune. 60 ans après les débuts de la Ve République, Julien Aubert, président d’Oser la France et député (Les Républicains) du Vaucluse, signe avec 21 autres élus une tribune appelant à revenir aux principes originels de la constitution : mandat long pour le président de la République, indépendance forte du Parlement, meilleur encadrement des différents pouvoirs.
La Vème République a soixante ans et gagné le pari de la stabilité tant espérée par le Général de Gaulle le 16 juin 1946, à Bayeux. Celui-ci avait expliqué que si la grande œuvre de restauration de l’Etat engagée à la Libération avait été « réalisée en dehors du cadre antérieur de nos institutions, c’est parce que celles-ci n’avaient pas répondu aux nécessités nationales et qu’elles avaient, d’elles-mêmes, abdiqué dans la tourmente. » Plus qu’une constitution théoriquement idéale, il nous fallait des institutions faites pour durer. Celles de la Vème république auront traversé la décolonisation, des conflits armés, les alternances politiques, des conflits sociaux, des chocs économiques, des mutations profondes de l’organisation du territoire et bien entendu le défi terroriste.
Le secret de cette résilience, face aux tourbillons des circonstances, est à rechercher dans un subtil dosage constitutionnel. Pour le général de Gaulle, la France est éternelle. La République qu’il appelait de ses vœux devait faire la synthèse entre les vertus de la volonté monarchique, qui avait bâti la France, et celles de la démocratie et du débat parlementaires, filles de la Révolution et de la République. Cette constitution, contrairement aux attaques mitterrandiennes dont elle fut la cible à ses prémisses, fut donc avant tout un texte d’équilibre, parachevé en 1962 avec l’élection au suffrage universel du Président de la République. Les experts qui travaillent avec Michel Debré, René Capitant et Yves Guéna partirent des projets de réforme de la IIIème République, depuis 1920, de gauche comme de droite, destinés à renforcer le rôle de l’exécutif. La constitution, si elle redonne sa place à l’exécutif ne renie pas pour autant le caractère parlementaire du régime. On parlera de « régime semi-présidentiel » pour désigner cette constitution que Pompidou caractérisera ainsi « Notre système, précisément parce qu’il est bâtard, est peut-être plus souple qu’un système logique. Les corniauds sont souvent un peu plus intelligents que les chiens de race ».
Les circonstances de la création de la Vème République ont malheureusement été trop rapidement oubliées et “l’air du temps” a pris le pas sur le « fond des choses ». Oublieux de la philosophie des origines, les successeurs du Général de Gaulle ont déséquilibré par des réformes hasardeuses le régime établi en 1958. Paradoxalement, les réformes successives, loin de renforcer la clé de voûte présidentielle l’ont affaibli. Le Président de la République est surexposé, tandis que le Parlement est devenu une cage vide.
La suppression du septennat a eu pour effet pervers d’aligner le temps long du président sur le temps plus court du Parlement. Ajoutons à cela l’inversion du calendrier des élections présidentielles et législatives, le Président de la République est devenu au fil du temps une sorte de « super Premier ministre ». Il s’agissait, pour les promoteurs du quinquennat, d’éviter la cohabitation. Au final, les Français ont exprimé leur désaveu par d’autres moyens, notamment aux élections locales, introduisant une cohabitation verticale entre Paris et « les territoires ». La réduction excessive du cumul des mandats est ensuite venue amplifier cette divergence entre la politique nationale et la politique locale, avec la constitution de deux classes politiques évoluant dans des univers étanches. Deux mondes se font face : un fortement clivé sur des enjeux nationaux, dominés par les partis, et, notamment, pour les parlementaires élus après la réforme, méconnaissant les réalités locales, et un autre, obnubilé par des enjeux locaux où les approches partisanes seront moindres. Cette opposition, sur fond de vraie-fausse décentralisation et de mise sous tutelle budgétaire des collectivités risque de conduire inéluctablement à une demande de transformation de la République en Etat fédéral, surtout avec des expérimentations pour les territoires bien portants ou bien représentés au Gouvernement. A l’Assemblée nationale, la perte de compétence en 2017 a au surplus terriblement affaibli le Parlement déséquilibrant ainsi les institutions au profit, cette fois-ci, de l’exécutif.
Enfin l’autorité judiciaire aspire à devenir un pouvoir. Le rôle pris par le Conseil constitutionnel, et à travers lui la jurisprudence européenne, consacre l’avènement du fameux « gouvernement des juges » dont la légitimité démocratique est inexistante. Rappelons que sitôt de Gaulle disparu, le Conseil constitutionnel s’est arrogé, dans sa célèbre décision Liberté d’association du 16 juillet 1971, des compétences juridictionnelles dont il ne disposait pas, le Général de Gaulle l’ayant cantonné initialement à une mission de « régulation du fonctionnement des pouvoirs publics ». Il a alors pu prendre le pas sur le Parlement. Or, en France, il ne saurait y avoir qu’une cour suprême : le Peuple souverain.
Il y a donc urgence à restaurer notre patrimoine constitutionnel, sur fond de confusion des rôles. On ne peut pas avoir des juges indépendants qui font la loi, via des jurisprudences extensives, à la place du Parlement ; un Parlement aux ordres qui, faute d’assurer son rôle initial, empiète sur les plates-bandes judiciaires en multipliant les commissions d’enquêtes, et au-dessus un Président tout-puissant, mais finalement emmuré dans ses certitudes et très solitaire.
Il faut allonger le mandat présidentiel pour redonner du temps au Président de la République, et l’extraire du rythme effréné des réseaux sociaux et des chaînes d’information continue. Lui redonner du temps, c’est aussi le distinguer du rôle de « Super Premier ministre » qu’il a pris depuis 15 ans et donc le préserver des éclaboussures de l’écume des jours.
Il convient de redonner de l’indépendance au Parlement par rapport aux juges qu’ils soient français ou européens, en rétablissant la capacité de la loi souveraine à primer sur le droit dérivé antérieur. Le législateur représente le peuple souverain.
Il faut enfin encadrer les cohabitations potentielles en répartissant précisément la limite des compétences de chacune des têtes de l’Exécutif, mais ne pas nécessairement vouloir les éviter. Pourquoi s’obstiner à l’interdire ?Certains veulent une VIème République, qui n’est bien souvent qu’une « resucée » de la IVème République, c’est-à-dire un régime d’assemblée. D’autres, comme Emmanuel Macron cherche à reproduire le système constitutionnel américain, en oubliant sa nature profondément fédérale. Ces voies sont des impasses : la Constitution n’est pas un objet à obsolescence programmée, mais un patrimoine évolutif. Elle doit être protégée des modes médiatiques ou idéologiques. Notre histoire nationale nous a appris que l’histoire est tragique. Il est temps d’avoir le courage de proposer aux Français de revenir sur les expériences institutionnelles hasardeuses qui ont lentement miné son efficacité. Soyons gaullistes : la Vème République est le meilleur régime pour faire face aux périls de l’histoire que la Nation ne manquera pas d’affronter dans les années et décennies à venir.
Tribune écrite par Julien Aubert, député de Vaucluse, président d’Oser la France, et cosignée par Thibault Bazin, député de Meurthe-et-Moselle, vice-président d’Oser la France ; Bernard Brochand, député des Alpes-Maritimes ; Jean-François Parigi, député de Seine-et-Marne et vice-président d’Oser la France ; Patrice Verchère, député du Rhône et vice-président d’Oser la France ; Stéphane Viry, député des Vosges et vice-président d’Oser la France ; René Danesi, sénateur du Haut-Rhin ; Bernard Fournier, sénateur de la Loire ; Philippe Pemezec, sénateur des Hauts-de-Seine ; René-Paul Savary, sénateur de la Marne ; Jean-Philippe Mallé, ancien député PS et vice-président d’Oser la France ; Stéphane de Sallier Dupin, conseiller régional de Bretagne ; Thierry Hory, conseiller régional du Grand Est et maire de Marly ; Stéphane Sauvageon, conseiller régional de Provence-Alpes-Côte D’Azur ; Christiane Pujol, conseillère départementale des Bouches-du-Rhône ; Olivier Arsac, adjoint au maire de Toulouse en charge de la sécurité et conseiller métropolitain de Toulouse Métropole ; Gurval Guiguen, conseiller municipal et métropolitain de Rennes ; Jean-Claude Castel, conseiller départemental des Alpes-de-Haute-Provence et maire de Corbières ; Pierre Laget, adjoint au maire des 11ème & 12ème arrondissements de Marseille chargé des Finances ; Jean-Louis Ghiglione, adjoint au maire de Chatenay-Malabry ; Jérôme Besnard, conseiller municipal de Mont-Saint-Aignan.
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