Oser la France Gironde prend position sur différents sujets d’actualité : nous vous proposons une première réflexion sur un sujet qui touche à la fois à la sécurité alimentaire, au libre-échange et à l’orientation que nous devrions donner à l’Europe.
Les efforts mis en œuvre en France dans le sens du bien-être animal et les craintes légitimes que suscitent des pratiques de modification génétique de denrées alimentaires justifient une vigilance accrue au niveau européen quant à la portée des accords commerciaux conclus, notamment avec le Canada.
Un modèle productif intensif industrialisé à l’opposé des attentes des français : mélanger les gènes des espèces pour produire plus gros et plus vite
La firme canadienne Aquabounty produit un Saumon Atlantique transgénique dont la structure génétique a été modifiée pour atteindre la taille commercialisable beaucoup plus rapidement (de 18 à 20 mois contre 28 à 36 mois) par introduction du gêne d’un autre Saumon Quinnat (Chinook, Pacifique).
Demain, elle pourra demander l’introduction de ce saumon ou sa production dans des fermes aquacoles locales en Europe alors même que directement ou indirectement, ses clients ne sont pas connus car il n’existe aucune règle d’étiquetage pour un produit de ce genre.
Demain en Europe ! l’UE est impuissante à en éviter l’introduction…
Aquabounty pourra présenter une demande d’introduction du Saumon AquAdvantage sur le marché de l’UE en tant que denrée alimentaire ou pour l’élevage par importation d’œufs en provenance du Canada, à un des Etats membres qui la transmettra à l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (AESA).
L’étude de l’AESA sera soumise au Comité Permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et aliments pour animaux qui vote à la majorité qualifiée : cela ne garantit aucunement qu’une position de vigilance portée par la France soit suivie par la majorité.
Au final et en cas de désaccords ou d’absence de majorité, l’arbitrage sera rendu par la Commission Européenne.
L’exemple récent du refus d’interdiction du glyphosate nous montre que les procédures décisionnelles sont hasardeuses et aboutissent à un moins disant environnemental et sanitaire.
Que ce soit par la procédure de comitologie ou par adoption d’un projet d’acte d’exécution, la Commission ne peut certes s’abstenir de trancher mais à partir du moment où des enjeux fondamentaux sont concernés, sa décision ne devrait pouvoir se suppléer aux décisions des parlements nationaux.
Impossibilité de s’opposer à cette introduction au titre de l’OMC
Si une évaluation des risques a été faite par l’Union Européenne, il ne sera plus possible de prétendre s’opposer à cette demande sauf à risquer qu’un Etat ou l’Union Européenne se voient reprocher une violation de l’Accord SPS (Sanitary and Phytosanitary Measures) en cas de refus d’introduction de saumon transgénique.
Effets induits de l’accord UE/Canada
Conclu dans le même esprit que l’OMC, le CETA a pour objectif de favoriser l’utilisation de processus d’approbation des produits de biotechnologie: le principe de précaution n’est mentionné ni dans le CETA, ni dans son instrument interprétatif.
A l’inverse, en France, l’animal est reconnu comme être sensible, une réflexion donc doit être menée sur les aspects éthiques de l’incorporation dans une espèce animale des gènes d’une autre espèce.
Le cas d’Aquabounty n’est qu’un des aspects tangibles des effets de l’ouverture dogmatique du champ des accords commerciaux : les Etats Européens doivent pouvoir défendre les évolutions sanitaires et les progrès communs construits au sein de l’Union Européenne.
Oser la France, changer l’Europe
- L’Europe doit se montrer protectrice et garantir la sécurité alimentaire des consommateurs : Il faut en finir avec le dogme suprême du libre-échange multilatéral et répondre aux attentes des citoyens européens.
- Les accords bilatéraux de libre-échange « total » ne peuvent être conclus avec des Etats ne présentant pas les mêmes standards sociaux, environnementaux et sanitaires préservés sur l’existant européen
- La France doit porter l’objectif d’un commerce responsable intégrant la pérennité des filières de ses Etats membres : Elle doit faire entendre sa voix au sein du Conseil et au Parlement Européen pour remettre les intérêts communs au cœur de l’Europe.