Les députés LR Julien Aubert et Thibault Bazin, à la tête d’Oser la France, plaident en faveur d’une nouvelle politique industrielle française.
Par Oser la France
Souvent suggéré, rarement mis en œuvre, le « patriotisme économique » appartiendrait en France et en Europe à l’ancien monde. Il fut pourtant invoqué à maintes reprises par le passé, comme en 2004 pour sauver Alstom du démembrement annoncé.
Quinze ans plus tard, Alstom n’est plus. Quant au patriotisme économique, la simple évocation du sujet brûle les lèvres. Comprenez : « On n’est pas au Venezuela, ici ! » dixit l’ancien conseiller aux affaires économiques de l’Élysée, Emmanuel Macron, dans une réponse adressée à l’ancien ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, après que ce dernier lui a présenté en 2014 son plan de sauvegarde du fleuron industriel français.
« Au pays de Colbert, la notion de politique industrielle est devenue un oxymore »
À force de proclamer à corps et à cris que l’État était le problème et non la solution, à force d’entendre qu’il ne pouvait pas tout, la sentence a fini par faire loi : l’État ne sert plus à rien. Pas même à « préserver les intérêts nationaux » ; domaine où il a failli, comme le révèlent les conclusions du rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur les décisions de l’État en matière de politique industrielle.
Au pays de Colbert, la notion de « politique industrielle » est devenue un oxymore. Il suffit pour s’en convaincre de compter le nombre de fleurons industriels français rachetés par des entreprises étrangères (Alstom Énergie par General Electric en 2014, Nexter par KMW en 2015, Alcatel Luccent en 2015, Technip à l’entreprise américaine FMC Technologies, etc.). L’activité industrielle est tombée à hauteur de 14 % du PIB français (contre 30 % en Allemagne et 24 % en Italie). La part industrielle dans l’emploi a chuté de 20 % en 1989 à 11 % en 2017 et a connu la suppression de 150 000 emplois depuis 2012. Quant à notre déficit commercial extérieur, il est en chute libre (moins de 62 milliards d’euros en 2017, moins de 48 milliards d’euros en 2016). La France est-elle condamnée à ne vivre que de son tourisme ? Ce serait… du luxe !
Même dans ses domaines de prédilection, comme le nucléaire civil, la France se voit doubler par des acteurs émergents comme le russe Rosatom ou le chinois CNPC. Ce déclin n’a pas son origine dans l’économie. Il prend pied dans le constat d’une impuissance politique, que nous pointons tous du doigt, mais feignons d’enrayer, faute d’avoir adopté la bonne grille de lecture.
N’en déplaise aux ouailles de l’économiquement correct, nous ne sommes plus dans les années 1990, dans un monde gouverné par un Occident dominant, sûr de son fait et en situation de monopole sur son terrain de prédilection : l’innovation technologique.
Depuis le début des années 2000, la Chine est entrée dans l’OMC. Le libre-échange s’est ouvert à des nations autrefois marginalisées, aujourd’hui capables de tirer leur épingle du jeu globalisé par le développement de politiques volontaristes visant à bâtir des « champions nationaux » de taille mondiale.
Comble de l’ironie : la mondialisation érige le patriotisme économique en principe de fonctionnement.
Il est urgent que la France intègre cette nouvelle donne, au risque d’un déclassement durable. Notre pays doit pour cela se doter d’une architecture juridique et institutionnelle qui le mette sur un pied d’égalité avec ses concurrents mondiaux. Pourquoi ne pas s’inspirer des États-Unis et de leur Comité pour l’investissement étranger (The Committee on Foreign Investment in the United States, CFIUS), qui a le pouvoir de bloquer des OPA hostiles, après consultation des départements de la Défense, du Trésor et du Commerce ? Pourquoi ne pas renforcer les prérogatives du Commissaire à l’information stratégique et à la sécurité économiques (Cisse), aujourd’hui rattaché à Bercy, et demain directement auprès du Premier ministre en vue de rendre plus cohérentes nos politiques économiques et commerciales ?
« Assurer un rempart aux méfaits de la mondialisation »
La France doit cesser d’être le faire-valoir industriel de l’Allemagne en Europe. Il est temps pour la France de s’affirmer en mettant au sommet de l’« agenda européen » la réorientation de la politique de concurrence de l’Union ; trop ferme quand il s’agit d’empêcher la constitution de mastodontes industriels intra-européens ; trop frileuse à établir toute préférence communautaire face à des industries de pays tiers pourtant bâties à coup de subventions publiques. En sus de cette politique, la France doit rétablir une politique de valorisation des produits nationaux et assurer un véritable rempart aux méfaits de la mondialisation.
L’absence d’orientation de l’épargne des Français vers l’investissement productif est un des plus vieux serpents de mer de nos débats économiques. En quoi la suppression de l’ISF sans contrepartie a-t-elle contribué à engager ce changement attendu ? Le conditionnement de la défiscalisation de l’ISF à l’investissement dans notre tissu industriel local et national aurait eu toutes les chances d’être approuvé par les Français.
Pourquoi notre pays n’a-t-il plus de ministère de l’Industrie ? L’innovation sur laquelle mise Emmanuel Macron pour créer les emplois de demain a besoin de start-up, mais surtout de grands groupes à même de doter la France d’une véritable autonomie stratégique, notamment sur le plan énergétique. À quoi bon augmenter la part du mix énergétique français, inciter les ménages à acheter des panneaux solaires photovoltaïques si c’est pour gaver toujours plus l’ogre industriel chinois ?
Si l’on prend l’exemple de l’industrie automobile, déjà mise à mal par l’affaire Carlos Ghosn, le manque de vision stratégique de l’État pourrait faire perdre à l’Europe occidentale entre 20 et 25 % de la valeur ajoutée de l’industrie automobile, ce qui est énorme. Le patriotisme économique européen est un leurre : mieux vaux une alliance équilibrée avec Nissan que déséquilibrée avec Alstom, dès lors que les intérêts français sont défendus.
Seule une politique industrielle ambitieuse, mise au service de notre autonomie collective, sera source à l’étranger d’attractivité – c’est l’« excellence française », mise au service de l’indépendance et de la puissance nationale qui, dans les années 1960-1970, a fait de notre fameux savoir-faire un modèle à imiter – et redonnera, en interne, ses lettres de noblesse à la vocation même du politique : servir et défendre les intérêts fondamentaux de la nation.
Ce renouveau industriel participera enfin à la résorption des fractures territoriales, car ce sont les territoires qui offriront à la France les espaces et la main-d’œuvre indispensables à son développement. Il ne reste qu’à nous de reprendre en main le destin industriel de la France.
Écrite par :
· Thibault Bazin, député de Meurthe-et-Moselle, vice-président d’Oser la France
· Julien Aubert, député de Vaucluse, président d’Oser la France
Cosignée par :
·Valérie Beauvais, députée de la Marne, vice-présidente d’Oser la France
· Jean-François Parigi, député de Seine-et-Marne et vice-président d’Oser la France
·Stéphane Viry, député des Vosges et vice-président d’Oser la France
·Alain Dufaut, sénateur de Vaucluse
·Bernard Fournier, sénateur de la Loire
·Sébastien Meurant, sénateur du Val-d’Oise
·Olivier Paccaud, sénateur de l’Oise
·René-Paul Savary, sénateur de la Marne
·Jean-Philippe Mallé, ancien député et conseiller départemental des Yvelines, vice-président d’Oser la France
·Thierry Hory, conseiller régional du Grand Est et maire de Marly (59)
·Stéphane Sauvageon, conseiller régional de la région Sud-Provence-Alpes-Côte-D’Azur
·Marie-Hélène Herry, maire de Saint-Malo-de-Beignon (56) et conseillère départementale du Morbihan
·Arnaud Mercier, maire de Venelles (13)
·Christiane Pujol, conseillère départementale des Bouches-du-Rhône
·Jean-Louis Ghiglione, adjoint au maire de Châtenay-Malabry
·Alain Duprat, adjoint au maire de Carry-le-Rouet
·Pierre Laget, adjoint au maire des 11e et 12e arrondissements de Marseille, chargé des Finances
·Olivier Arsac, adjoint au maire de Toulouse, chargé de la Sécurité et conseiller métropolitain de Toulouse Métropole
·Florence Darbon, adjoint au maire du 6e arrondissement de Lyon
·Jérôme Besnard, conseiller municipal de Mont-Saint-Aignan
·Alain Kerhervé, conseiller municipal de Quimperlé
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